Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 1.djvu/286

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ou foiblesse, exerce sa prodigalité, sans acception de personne, sans distinction de mérite ou de besoin ; à celui qui, par inquiétude, par un besoin machinal d’agir, d’intriguer, de s’entremettre, offre à tout le monde indifféremment ses démarches, ses soins, ses sollicitations ?

Je consens à faire des distinctions entre ceux que je viens de représenter ; mais enfin leur devrai-je les mêmes sentimens qu’à un bienfaiteur éclairé, compatissant, réglant même sa compassion sur l’estime, le besoin et les effets qu’il prévoit que ses services pourront avoir, qui prend sur lui-même, qui restreint de plus en plus son nécessaire pour fournir à une nécessité plus urgente, quoiqu’étrangère pour lui ? On doit plus estimer les vertus par leurs principes que par leurs effets. Les services doivent se juger moins par l’avantage qu’en retire celui qui est obligé, que par le sacrifice que fait celui qui oblige.

On se tromperoit fort de penser qu’on favorise les ingrats en laissant la liberté d’examiner les vrais motifs des bienfaits. Un tel examen ne peut jamais être favorable à l’ingratitude, et ajoute quelquefois du mérite à la reconnoissance. En effet, quelque jugement qu’on soit en droit de porter d’un service, à quelque prix qu’on puisse le mettre du côté des motifs, on n’en est pas moins obligé aux mêmes devoirs