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gard de ceux qu’ils estiment. On n’est jamais plus empressé à payer une dette, que lorsqu’on l’a contractée avec répugnance ; et celui qui n’emprunte que par nécessité, gémiroit d’être insolvable.

J’ajouterai qu’il n’est pas nécessaire d’éprouver un sentiment vif de reconnoissance, pour en avoir les procédés les plus exacts et les plus éclatans. On peut, par un certain caractère de hauteur fort différent de l’orgueil, chercher, à force de services, à faire perdre à son bienfaiteur, ou du moins à diminuer la supériorité qu’il s’est acquise.

En vain objecteroit-on que les actions sans les sentimens ne suffisent pas pour la vertu. Je répondrai que les hommes doivent songer d’abord à rendre leurs actions honnêtes : leurs sentimens y seront bientôt conformes ; il leur est plus ordinaire de penser d’après leurs actions que d’agir d’après leurs principes. D’ailleurs cet amour-propre, bien entendu, est la source des vertus morales, et le premier lien de la société.

Mais puisque les principes des bienfaits sont si différens, la reconnoissance doit-elle toujours être de la même nature ? Quels sentimens doit-on à celui qui, par un mouvement d’une pitié passagère, aura accordé une parcelle de son superflu à un besoin pressant ; à celui qui, par ostentation