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intéressés, rien de plus rare que les services.

Sans affecter ici de divisions parallèles et symétriques, on peut envisager les ingrats, comme les bienfaiteurs, sous trois aspects différens.

L’ingratitude consiste à oublier, à méconnoître, ou à reconnaître mal les bienfaits ; et elle a sa source dans l’insensibilité, dans l’orgueil ou dans l’intérêt.

La première espèce d’ingratitude est celle de ces âmes foibles, légères, sans consistance. Affligées par le besoin présent, sans vue sur l’avenir, elles ne gardent aucune idée du passé ; elles demandent sans peine, reçoivent sans pudeur, et oublient sans remords. Dignes de mépris, ou tout au plus de compassion, on peut les obliger par pitié, et l’on ne doit pas les estimer assez pour les haïr.

Mais rien ne peut sauver de l’indignation celui qui, ne pouvant se dissimuler les bienfaits qu’il a reçus, cherche cependant à méconnoître son bienfaiteur. Souvent, après avoir réclamé les secours avec bassesse, son orgueil se révolte contre tous les actes de reconnoissance qui peuvent lui rappeler une situation humiliante ; il rougit du malheur, et jamais du vice. Par une suite du même caractère, s’il parvient à la prospérité, il est capable d’offrir par ostentation ce qu’il refuse à la justice, il tâche d’usurper la gloire de