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Pourquoi les ouvrages d’esprit, en faisant abstraction de leur utilité principale, méritent-ils plus d’estime, et font-ils plus de réputation que des talens plus rares ? C’est par l’avantage qu’ils ont de se répandre, et d’être partout également goûtés par ceux qui sont capables de les sentir. Corneille n’est peut-être pas un homme plus rare que Lulli, que Rameau ; cependant leurs noms ne sont pas sur la même ligne, parce qu’il y a un plus grand nombre d’hommes à portée de jouir des ouvrages de Corneille que de ceux de Rameau, de Lulli, et que le plaisir qui naît des ouvrages d’esprit, développant celui des lecteurs, ou leur touchant le cœur, flatte le sentiment et l’amour-propre, et doit en plus d’occasions l’emporter sur le plaisir des sens que les talens nous causent.

Ce n’est pas que dans nos jugemens nous fassions une analyse si exacte, et une comparaison si géométrique ; une justice naturelle nous les inspire, et l’examen réfléchi les confirme.

Qu’on parcoure les sciences et les arts, qu’on les pèse dans cette balance, on verra que l’estime qu’on en fait part toujours des mêmes principes, qui s’étendent jusque sur la politique et la science du gouvernement.

On a recherché bien des fois quel étoit le meilleur : les uns se déterminent pour l’un ou