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En général, le mépris s’attache aux vices bas, et la haine aux crimes hardis qui malheureusement sont au-dessus du mépris, et font quelquefois confondre l’horreur avec une sorte d’admiration. Je ne dis rien en particulier de la colère, qui n’a guère lieu que dans ce qui nous devient personnel. La colère est une haine ouverte et passagère ; la haine une colère retenue et suivie. En considérant les différentes gradations, il me semble que tout concourt à établir les principes que j’ai posés ; et, pour les résumer en peu de mots :

Nous estimons ce qui est utile à la société, nous méprisons ce qui lui est nuisible ; nous aimons ce qui nous est personnellement utile, nous haïssons ce qui nous est contraire ; nous respectons ce qui nous est supérieur, nous admirons ce qui est extraordinaire.

Il ne s’agit plus que d’éclaircir une équivoque très-commune sur le mot de mépris, qu’on emploie souvent dans une acception bien différente de l’idée ou du sentiment qu’on éprouve. On croit souvent, ou l’on veut faire croire qu’on méprise certaines personnes, parce qu’on s’attache à les dépriser. Je remarque, au contraire, qu’on ne déprise avec affectation que par le chagrin de ne pouvoir mépriser, et qu’on estime forcément ceux contre qui l’on déclame. Le