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cessaire au plus grand nombre, et celui de la morale nécessaire à tous. Telle a été, telle a dû être inévitablement la marche de certains esprits, plus présomptueux qu’éclairés, plus ardens que forts, qui, n’ayant pas su atteindre le but ou s’y arrêter, se sont jetés dans de fausses routes, et ont eu ensuite la foiblesse coupable de vouloir y attirer les autres. Duclos, esprit ferme et libre, mais sage et mesuré, sentoit que s’il est permis à chacun de penser, à sa manière, sur tout ce qui est du ressort de la pensée, il ne l’est pas de manifester son opinion, lorsqu’elle est contraire à l’opinion générale et à l’ordre établi. Dès qu’il vit que cette association, d’abord secrète et, pour ainsi dire, inconnue à elle-même, d’hommes qui se livroient paisiblement et de bonne foi à l’étude de la philosophie, se transformoit en un parti déclaré et organisé, ayant ses chefs et ses soldats, son mot d’ordre et son point de ralliement ; que l’amour du bruit et de la domination, l’ardeur du prosélytisme, et le zèle persécuteur s’emparoient d’un grand nombre de têtes ; que sous le prétexte, ou peut-être avec le dessein réel de faire la guerre aux préjugés nuisibles, on attaquoit non-seulement les préjugés utiles, mais même les vérités nécessaires ; dès que Duclos vit toutes ces choses, il crut devoir, non point déclamer contre la philosophie, mais s’élever contre l’abus qu’on en faisoit ; non point abjurer ses principes, mais les expliquer, afin de ne point encourir le même blâme que ceux dont la façon de penser et d’agir n’étoit plus la sienne. Il conserva son estime et son attachement aux hommes du parti philosophique qui allioient une conduite louable à de simples travers d’esprit, et son admiration à ceux qui unissoient de grands talens à de grands torts. Mais il déploya toute l’énergie de son indignation et de son mépris contre ce troupeau de petits sectaires fanatiques qui, enchérissant sur les erreurs de leurs maîtres, sans avoir, comme eux, l’excuse d’une imagination ardente ou d’une raison égarée dans les profondeurs de la science, débitoient des sophismes rebattus, des impiétés froides, et même des obscénités dégoûtantes pour la plus grande gloire de la philosophie, et le plus grand bien de l’humanité. C’est d’eux et d’eux seuls que Duclos disoit ce mot souvent cité, et toujours inexactement : Ils sont-là une bande de petits impies qui finiront par m’envoyer à confesse. Les chefs de la philosophie