Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 1.djvu/229

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHAPITRE XII.

Sur la manie du bel-esprit.


Il n’y a rien de si utile dont on ne puisse abuser, ne fût-ce que par l’excès. Il ne s’agit donc pas d’examiner jusqu’à quel point les lettres peuvent être utiles à un état florissant, et contribuer à sa gloire ; mais de savoir premièrement, si le goût du bel-esprit n’est pas trop répandu, peut-être même plus qu’il ne le faudroit pour sa perfection ;

Secondement, d’où vient la vanité qu’on en tire, et conséquemment l’extrême sensibilité qu’on a sur cet article. L’examen et la solution de ces deux questions s’appuieront nécessairement sur les mêmes raisons.

Il est sûr que ceux qui cultivent les lettres par état, en retireroient peu d’avantages, si les autres hommes n’en avoient pas du moins le goût. C’est l’unique moyen de procurer aux lettres les récompenses et la considération dont elles ont besoin pour se soutenir avec éclat. Mais lorsque la partie de la littérature que l’on comprend d’ordinaire sous le nom de bel-esprit, devient une mode, une espèce de manie publique, les gens