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justice. Une telle annonce ressemble déjà à un acte d’hostilité. Au lieu que celui qui nous parle de la bonté de son cœur, et qui nous en persuade, nous apprend que nous pouvons compter sur son indulgence, même sur son aveuglement, sur ses services, et que nous pourrons être impunément injustes à son égard.

Les sots ne se bornent pas à une haine oisive contre les gens d’esprit, ils les représentent comme des hommes dangereux, ambitieux, intrigans : ils supposent enfin qu’on ne peut faire de l’esprit que ce qu’ils en feroient eux-mêmes.

L’esprit n’est qu’un ressort capable de mettre en mouvement la vertu ou le vice. Il est comme ces liqueurs qui, par leur mélange, développent et font percer l’odeur des autres. Les vicieux l’emploient pour leur passion. Mais combien l’esprit a-t-il guidé, soutenu, embelli, développé et fortifié de vertus ! L’esprit seul, par un intérêt éclairé, a quelquefois produit des actions aussi louables que la vertu même l’auroit pu faire. C’est ainsi que la sottise seule a peut-être fait ou causé autant de crimes que le vice.

À l’égard des gens d’esprit, proprement dit, c’est-à-dire, qui sont connus par leurs talens, ou par un goût décidé pour les sciences et les let-