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rent se réduisent ordinairement à quelques agrémens dans la société, ils n’ont pas laissé d’exciter l’envie. Les sots sont presque tous par état ennemis des gens d’esprit. L’esprit n’est pas souvent fort utile à celui qui en est doué ; et cependant il n’y a point de qualité qui soit si fort exposée à la jalousie.

On est étonné qu’il soit permis de faire l’éloge de son cœur, et qu’il soit révoltant de louer son esprit ; et la vanité qu’on tireroit du dernier se pardonneroit d’autant moins, qu’elle seroit mieux fondée. On en a conclu que les hommes estiment plus l’esprit que la vertu. N’y en auroit-il point une autre raison ?

Il me semble que les hommes n’aiment point ce qu’ils sont obligés d’admirer. On n’admire que forcément et par surprise. La réflexion cherche à prescrire contre l’admiration ; et quand elle est forcée d’y souscrire, l’humiliation s’y joint, et ce sentiment ne dispose pas à aimer.

Un seul mot renferme souvent une collection d’idées : tels sont les termes d’esprit et de cœur. Si un homme nous fait entendre qu’il a de l’esprit, et que de plus il ait raison de le croire, c’est comme s’il nous prévenoit que nous ne lui imposerons point par de fausses vertus, que nous ne lui cacherons point nos défauts, qu’il nous verra tels que nous sommes, et nous jugera avec