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dire, à renoncer à toutes les distinctions extérieures.

Cependant, de tous les empires, celui des gens d’esprit, sans être visible, est le plus étendu. Le puissant commande, les gens d’esprit gouvernent, parce qu’à la longue, ils forment l’opinion publique, qui tôt ou tard subjugue ou renverse toute espèce de despotisme.

Les gens de la cour sont ceux dont les lettres ont le plus à se louer ; et si j’avois un conseil à donner à un homme qui ne peut se faire jour que par son esprit, je lui dirois : Préférez à tout l’amitié de vos égaux ; c’est la plus sûre, la plus honnête, et souvent la plus utile : ce sont les petits amis qui rendent les grands services, sans tyranniser la reconnoissance ; mais si vous ne voulez que des liaisons de société, faites-les à la cour ; ce sont les plus agréables et les moins gênantes. Le manège, l’intrigue, les pièges, et ce qu’on appelle les noirceurs, ne s’emploient qu’entre les rivaux d’ambition. Les courtisans ne pensent pas à nuire à ceux qui ne peuvent les traverser, et font quelquefois gloire de les obliger. Ils aiment à s’attacher un homme de mérite dont la reconnoissance peut avoir de l’éclat. Plus on est grand, moins on s’avise de faire sentir une distance trop marquée pour être méconnue. L’amour-propre éclairé ne diffère guère de la mo-