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le cours paisible, égal et abondant fertilise une terre utile. Les hommes de talent doivent avoir plus de célébrité, c’est leur récompense. Les gens d’esprit doivent trouver plus d’agrément dans la société, puisqu’ils y en portent davantage ; c’est une reconnoissance fondée. Les talens ne se communiquent point par la fréquentation. Avec les gens d’esprit, on développe, on étend, et on leur doit une partie du sien. Aussi le plaisir et l’habitude de vivre avec eux font naître l’intimité, et quelquefois l’amitié, malgré les disproportions d’état, quand les qualités du cœur s’y trouvent ; car il faut avouer que, malgré la manie d’esprit à la mode, les gens de lettres, dont l’âme est connue pour honnête, ont tout un autre coup-d’œil dans le monde que ceux dont on loue les talens, et dont on désavoue la personne.

On a dit que le jeu et l’amour rendent toutes les conditions égales : je suis persuadé qu’on y eût joint l’esprit, si le proverbe eût été fait depuis que l’esprit est devenu une passion. Le jeu égale en avilissant le supérieur ; l’amour, en élevant l’inférieur ; et l’esprit, parce que la véritable égalité vient de celles des âmes. Il seroit à désirer que la vertu produisît le même effet ; mais il n’appartient qu’aux passions de réduire les hommes à n’être que des hommes, c’est-à-