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Les hommes n’ont qu’un penchant décide, c’est leur intérêt ; s’il est attaché à la vertu, ils sont vertueux sans effort ; que l’objet change, le disciple de la vertu devient l’esclave du vice, sans avoir changé de caractère : c’est avec les mêmes couleurs qu’on peint la beauté et les monstres.

Les mœurs d’un peuple font le principe actif de sa conduite, les lois n’en sont que le frein ; celles-ci n’ont donc pas sur lui le même empire que les mœurs. On suit les mœurs de son siècle, on obéit aux lois ; c’est l’autorité qui les fait et qui les abroge. Les mœurs d’une nation lui sont plus sacrées et plus chères que ses lois. Comme elle n’en connoît pas l’auteur, elle les regarde comme son ouvrage, et les prend toujours pour la raison.

Cependant on ne sauroit croire avec quelle facilité un prince changeroint chez certains peuples les mœurs les plus dépravées, et les dirigeroit vers la vertu, pourvu que ce ne fût pas un projet annoncé, et que ses ordres à cet égard ne fussent que son exemple. Une telle révolution paroîtroit le chef-d’œuvre des entreprises ; mais elle le seroit plus par son effet que par ses difficultés. En attendant qu’elle arrive, et les choses étant sur le pied où elles sont, ne soyons pas étonnés que les richesses procurent