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tinguées. Un homme de qualité vend un nom qu’il n’a pas eu la peine d’illustrer ; et, sans le commerce qui s’est établi entre l’orgueil et la nécessité, la plupart des maisons nobles tomberoient dans la misère, et par conséquent dans l’obscurité ; les exemples n’en sont pas rares dans les provinces. La mésalliance a commencé par les hommes qui conservent toujours leur nom ; celle des filles de qualité est plus moderne, mais elle prend faveur. La cour et les finances portent souvent les mêmes deuils. Si les gens riches ne s’allioient qu’entr’eux, il faudroit nécessairement que, par la seule puissance des richesses, ils parvinssent eux-mêmes aux dignités qu’ils conservent dans des familles étrangères : peut-être s’aviseront-ils un jour de ce secret-là, à moins que les gens de la cour ne s’avisent eux-mêmes d’entrer dans les affaires. Les premiers qui heurteroient le préjugé pourroient d’abord avoir des scrupules ; mais quand ils en ont, quelques plaisanteries les soulagent, et beaucoup d’argent les dissipe. Cette révolution n’est peut-être pas fort éloignée. Ne voit-on pas déjà des hommes assez vils pour abandonner des professions respectables, et embrasser, en se dégradant eux-mêmes, le métier de la finance ? au lieu que les financiers d’autrefois ou leurs enfans n’aspiroient qu’à sortir de leur état, et s’élever