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cule impose aux hommes ; et comme la plupart ne sont pas capables de n’estimer les choses que ce qu’elles valent, où leur mépris s’arrête leur admiration commence, et le singulier en est communément l’objet.

Par quelle bizarrerie la même chose à un certain degré rend-elle ridicule, et portée à l’excès donne-t-elle une sorte d’éclat ? Car tel est l’effet de la singularité marquée, soit que le principe en soit louable ou répréhensible.

Cela ne peut venir que du dégoût que cause l’uniformité de caractère qu’on trouve dans la société. On est si ennuyé de rencontrer les mêmes idées, les mêmes opinions, les mêmes manières, et d’entendre les mêmes propos, qu’on sait un gré infini à celui qui suspend cet état léthargique.

La singularité n’est pas précisément un caractère ; c’est une simple manière d’être qui s’unit à tout autre caractère, et qui consiste à être soi, sans s’apercevoir qu’on soit différent des autres ; car si l’on vient à le reconnoître, la singularité s’évanouit ; c’est une énigme qui cesse de l’être, aussitôt que le mot en est connu. Quand on s’est aperçu qu’on est différent des autres, et que cette différence n’est pas un mérite, on ne peut y persister que par l’affectation, et c’est alors petitesse ou orgueil, ce qui revient au mê-