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dans une certaine bourgeoisie, qui, à son tour, a des nuances d’orgueil.

Pour l’homme de la cour, sans vouloir entrer dans aucune composition sur cet article, il croit fermement que la bonne compagnie n’existe que parmi les gens de sa sorte. Il est vrai qu’à esprit égal ils ont un avantage sur le commun des hommes, c’est de s’exprimer en meilleurs termes, et avec des tours plus agréables. Le sot de la cour dit ses sottises plus élégamment que le sot de la ville ne dit les siennes. Dans un homme obscur, c’est une preuve d’esprit, ou du moins d’éducation, que de s’exprimer bien. Pour l’homme de la cour, c’est une nécessité ; il n’emploie pas de mauvaises expressions, parce qu’il n’en sait point. Un homme de la cour qui parleroit bassement, me paroîtroit presque avoir le mérite d’un savant dans les langues étrangères. En effet, tous les talens dépendent des facultés naturelles, et sur-tout de l’exercice qu’on en fait. Le talent de la parole, ou plutôt de la conversation, doit donc se perfectionner à la cour plus que partout ailleurs, puisqu’on est destiné à y parler et réduit à n’y rien dire : ainsi les tours se multiplient, les idées se rétrécissent. Je n’ai pas besoin, je crois, d’avertir que je ne parle ici que des courtisans oisifs, à qui Versailles est nécessaire, et qui y sont inutiles.