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leur caractère y est si opposé, ils auroient été de si bonnes gens, en suivant leur cœur, qu’on est quelquefois tenté d’en avoir compassion, tant le mal coûte à faire. Aussi en voit-on qui abandonnent leur rôle comme trop pénible ; d’autres persistent, flattés et corrompus par les progrès qu’ils ont faits. Les seuls qui aient gagné à ce travers de mode, sont ceux qui, nés avec le cœur dépravé, l’imagination déréglée, l’esprit faux, borné et sans principes, méprisant la vertu, et incapables de remords, ont le plaisir de se voir les héros d’une société dont ils devroient être l’horreur.

Un spectacle assez curieux est de voir la subordination qui règne entre ceux qui forment ces sortes d’associations. Il n’y a point d’état où elle soit mieux réglée. Ils se signalent ordinairement sur les étrangers que le hasard leur adresse, comme on sacrifioit autrefois dans quelques contrées ceux que leur mauvais sort y faisoit aborder. Mais lorsque les victimes nouvelles leur manquent, c’est alors que la guerre civile commence. Le chef conserve son empire, en immolant alternativement ses sujets les uns aux autres. Celui qui est la victime du jour est impitoyablement accablé par tous les autres, qui sont charmés d’écarter l’orage de dessus eux ; la cruauté est souvent l’effet de la crainte, c’est le courage des lâches. Les subalternes s’essaient cependant les