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Ce mauvais genre est quelquefois moins extravagant, et alors il n’en est que plus dangereux. C’est lorsqu’on immole quelqu’un, sans qu’il s’en doute, à la malignité d’une assemblée, en le rendant tout à la fois instrument et victime de la plaisanterie commune, par les choses qu’on lui suggère, et les aveux ingénus qu’on en tire.

Les premiers essais de cette sorte d’esprit ont dû naturellement réussir ; et comme les inventions nouvelles vont toujours en se perfectionnant, c’est-à-dire, en augmentant de dépravation quand le principe en est vicieux, la méchanceté se trouve aujourd’hui l’âme de certaines sociétés, et a cessé d’être odieuse, sans même perdre son nom.

La méchanceté n’est aujourd’hui qu’une mode. Les plus éminentes qualités n’auroient pu jadis la faire pardonner, parce qu’elles ne peuvent jamais rendre autant à la société que la méchanceté lui fait perdre, puisqu’elle en sape les fondemens, et qu’elle est par là, sinon l’assemblage, du moins le résultat des vices. Aujourd’hui la méchanceté est réduite en art, elle tient lieu de mérite à ceux qui n’en ont point d’autre, et souvent leur donne de la considération.

Voilà ce qui produit cette foule de petits méchans subalternes et imitateurs, de caustiques fades, parmi lesquels il s’en trouve de si innocens ;