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Un homme de la cour est avili dès qu’il est ruiné ; et cela est au point que celui qui se maintient par des ressources criminelles, est encore plus considéré que celui qui a l’âme assez noble pour se faire une justice sévère ; mais aussi, lorsqu’on succombe après avoir épuisé les ressources les plus injustes, c’est le comble de l’avilissement, parce qu’il n’y a de vice bien reconnu que celui qui est joint au malheur. On ne lui trouve plus cet air noble qu’on admiroit auparavant. C’est que rien ne contribue tant à le faire trouver dans quelqu’un, que de croire d’avance qu’il doit l’avoir.

Je hasarderai à ce sujet une réflexion sur ce qu’on appelle noble. Ce terme, dans son acception générale, signifie ce qui est distingué, relevé au-dessus des choses de même genre. On l’entend ainsi, soit au physique, soit au moral, en parlant de la naissance, de la taille, du maintien, des manières, d’une action, d’un procédé, du style, du langage, etc. L’air noble devroit donc aussi se prendre dans le même sens ; mais il me semble que l’application en a dû changer, et n’a pas, dans tous les temps, fait naître la même idée.

Dans l’enfance d’une nation, l’air noble étoit vraisemblablement un extérieur qui annonçoit la force et le courage. Ces qualités donnoient à ceux qui en étoient doués la supériorité sur les