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à détruire son propre ouvrage. On tâche de précipiter du faîte celui à qui on a prêté la main pour faire les premiers pas : on ne lui pardonne point de n’avoir plus besoin de secours.

C’est ainsi que les réputations se forment et se détruisent. Quelquefois elles se soutiennent, soit par la solidité du mérite qui les affermit, soit par l’artifice de celui qui, ayant été élevé par la cabale, sait mieux qu’un autre les ressorts qui la font mouvoir, ou qui embarrassent son action.

Il arrive souvent que le public est étonné de certaines réputations qu’il a faites ; il en cherche la cause, et ne pouvant la découvrir, parce qu’elle n’existe pas, il n’en conçoit que plus d’admiration et de respect pour le fantôme qu’il a créé. Ces réputations ressemblent aux fortunes, qui, sans fonds réels, portent sur le crédit, et n’en sont que plus brillantes.

Comme le public fait des réputations par caprice, des particuliers en usurpent par manège, ou par une sorte d’impudence qu’on ne doit pas même honorer du nom d’amour-propre : Ils annoncent qu’ils ont beaucoup de mérite : on plaisante d’abord de leurs prétentions ; ils répètent les mêmes propos si souvent, et avec tant de confiance, qu’ils viennent à bout d’en imposer. On ne se souvient plus par qui on les a entendu tenir, et l’on finit par les croire ; cela se répète et