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artificieuse et avilissante par les manœuvres qu’elle emploie : l’orgueil fait faire autant de bassesses que l’intérêt. Voilà ce qui produit tant de réputations usurpées et peu solides.

Rien ne rendroit plus indifférent sur la réputation, que de voir comment elle s’établit souvent, se détruit, se varie, et quels sont les auteurs de ces révolutions.

À peine un homme paroît-il dans quelque carrière que ce soit, pour peu qu’il montre de dispositions heureuses, quelquefois même sans cela, que chacun s’empresse de le servir, de l’annoncer, de l’exalter : c’est toujours en commençant qu’on est un prodige. D’où vient cet empressement ? Est-ce générosité, bonté ou justice ? Non, c’est envie, souvent ignorée de ceux qu’elle excite. Dans chaque carrière il se trouve toujours quelques hommes supérieurs. Les subalternes, ne pouvant aspirer aux premières places, cherchent à en écarter ceux qui les occupent en leur suscitant des rivaux.

On dira peut-être qu’il doit être indifférent par qui les premiers rangs soient occupés, à ceux qui n’y peuvent parvenir ; mais c’est bien peu connoître les passions que de les faire raisonner. Elles ont des motifs, et jamais de principes. L’envie sent et agit, ne réfléchit ni ne prévoit : si elle réussit dans son entreprise, elle cherche aussitôt