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peut-être que les deux autres du côté du vrai talent, ne se faisoit point scrupule de prendre à son compte des comédies dont un nommé Sallé étoit l’auteur. De quelque manière que ces messieurs se soient comporté envers Duclos, qu’ils se soient sourdement attribué ses écrits, ou qu’ils aient simplement permis que le public leur en fît honneur, il n’en est pas moins constant qu’on disputa long-temps à Duclos ses productions ; que Fréron, répondant à son Épître dédicatoire d’Acajou, au nom du public à qui elle étoit adressée, donna fort clairement à entendre qu’il n’étoit que le prête-nom de ses ouvrages[1] ; et qu’encore après sa mort, ce même Fréron inséra dans sa feuille un article tiré d’une gazette de Hollande, dans lequel on faisoit connoître les véritables auteurs des livres publiés sous son nom[2]. Afin de rendre cette révélation plus piquante, on ne se bornoit pas à restituer en entier à une seule personne, chacun des romans qui avoient passé pour être de lui ; on nommoit plusieurs coopérateurs pour un même ouvrage ; on désignoit exactement le contingent que chacun d’eux y avoit fourni ; et, pour que rien ne manquât à la singularité du fait, on faisoit entrer jusqu’à des femmes dans ces charitables associations dont le but étoit de mettre en réputation Duclos à qui l’on vouloit du bien. Tous ces détails avoient été communiqués à l’auteur de l’article par un homme d’esprit qui les tenoit des auteurs eux-mêmes. Ce que ceux-ci n’avoient pas revendiqué, pouvoit bien être de Duclos ; on consentoit à le lui laisser. Quant à l’Histoire de Louis XI, elle n’étoit que la réduction de celle que M. l’abbé Legrand, commis des affaires étrangères, avoit composée autrefois et laissée en manuscrit à sa famille. Restoient les Considérations sur les Mœurs et les Mémoires pour servir à l’histoire du dix-huitième siècle. Ces ouvrages appartenoient réellement à Duclos ; mais ils étoient si inférieurs aux premiers, qu’il en demeuroit d’autant mieux prouvé qu’il n’étoit que le père putatif de ceux-ci.

Nous avons rapporté ces absurdités parce qu’elles tiennent à l’histoire de Duclos et de ses ouvrages ; mais nous croyons presque inutile de les réfuter. Du vivant de l’hom-

  1. Opuscules de M. F… (Fréron), tom. Ier, pag. 66 et suiv.
  2. Année littéraire de 1773, no 5, lettre XV, pag. 339 et suiv.