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heureuse manie à un siècle encore barbare. Il seroit à désirer qu’elle se renouvelât de nos jours : les lumières que nous avons acquises serviroient à régler cet engouement, sans le refroidir. D’ailleurs, on ne doit pas craindre l’excès en cette matière : la probité a ses limites, et pour le commun des hommes, c’est beaucoup que de les atteindre ; mais la vertu et l’honneur peuvent s’étendre et s’élever à l’infini ; on peut toujours en reculer les bornes ; on ne les passe jamais.

Il faut avouer que, si d’un côté l’honneur a perdu, on a aussi sur certains articles des délicatesses ignorées dans le siècle passé. En voici un trait :

Lorsque le surintendant Fouquet donna à Louis XIV cette fête si superbe dans le château de Vaux, le surintendant porta l’attention jusqu’à faire mettre dans la chambre de chaque courtisan de la suite du roi une bourse remplie d’or, pour fournir au jeu de ceux qui pouvoient manquer d’argent, ou n’en avoir pas assez. Aucun ne s’en trouva offensé ; tous admirèrent la magnificence de ce procédé. Ils tâchèrent peut-être de croire que c’étoit au nom du roi, ou du moins à ses dépens, et ne se trompoient pas sur ce dernier article. Quoi qu’il en soit, ils en usèrent sans plus d’information. Si un ministre des finances s’avisoit aujourd’hui d’en faire autant, la délicatesse