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Les préjugés les plus tenaces sont toujours ceux dont les fondemens sont les moins solides. On peut se détromper d’une erreur raisonnée, par cela même que l’on raisonne. Un raisonnement mieux fait peut désabuser du premier ; mais comment combattre ce qui n’a ni principe, ni conséquence ? Et tels sont tous les faux préjugés. Ils naissent et croissent insensiblement par des circonstances fortuites, et se trouvent enfin généralement établis chez les hommes, sans qu’ils en aient aperçu les progrès. Il n’est pas étonnant que de fausses opinions se soient élevées à l’insçu de ceux qui y sont le plus attachés ; mais elles se détruisent comme elles sont nées. Ce n’est pas la raison qui les proscrit, elles se succèdent et périssent par la seule révolution des temps. Les unes font place aux autres, parce que notre esprit ne peut même embrasser qu’un nombre limité d’erreurs.

Quelques opinions consacrées parmi nous paroîtront absurdes à nos neveux : il n’y aura parmi eux que les philosophes qui concevront qu’elles aient pu avoir des partisans. Les hommes n’exigent point de preuves pour adopter une opinion ; leur esprit n’a besoin que d’être familiarisé avec elle, comme nos yeux avec les modes.

Il y a des préjugés reconnus, ou du moins avoués pour faux par ceux qui s’en prévalent da-