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besoin. Nous sommes assez portes à regarder comme juste et raisonnable ce que nous avons coutume de faire.

On déclame beaucoup depuis un temps contre les préjugés, peut-être en a-t-on trop détruit ; le préjugé est la loi du commun des hommes. La discussion en cette matière exige des principes sûrs et des lumières rares. La plupart, étant incapables d’un tel examen, doivent consulter le sentiment intérieur : les plus éclairés pourroient encore, en morale, le préférer souvent à leurs lumières, et prendre leur goût ou leur répugnance pour la règle la plus sûre de leur conduite. On se trompe rarement par cette méthode : quand on est bien intimement content de soi à l’égard des autres, il n’arrive guère qu’ils soient mécontens. On a peu de reproches à faire à ceux qui ne s’en font point ; et il est inutile d’en faire à ceux qui ne s’en font plus.

Je ne puis me dispenser, à ce sujet, de blâmer les écrivains qui, sous prétexte, ou voulant de bonne foi attaquer la superstition, ce qui seroit un motif louable et utile, si l’on s’y renfermoit en philosophe citoyen, sapent les fondemens de la morale, et donnent atteinte aux liens de la société : d’autant plus insensés, qu’il seroit dangereux pour eux-mêmes de faire des prosélytes. Le funeste effet qu’ils produisent sur leurs lec-