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À moi les jeunes gars qui dansent le dimanche
Aux fêtes d’alentour ; ils viendront sur mon flanc,
Et, les bras emportés, ils fouilleront ma hanche
De leurs moignons hideux dont je boirai le sang.

 Du sang ! il faut du sang à mes lèvres avides !
Venez ! car je languis, venez mes amoureux,
Conscrits, anciens soldats, rêveurs aventureux ;
Venez, je vous attends, j’aime les corps livides,
Les fronts ouverts, l’horreur qui monte des yeux vides,
Les plaintes des blessés et la soif des fiévreux !

 Mais, comme un laboureur doit ménager sa terre,
Je dois laisser mûrir ma terrible moisson ;
Je dois laisser l’amant que le dieu de Cythère
Enflamme, se glisser dans la nuit du mystère,
Où le sang appauvri, déplorable boisson,
Ne me permettrait plus de rugir ma chanson !

 Oui, quand je vois passer dans la forêt profonde,
Près d’une belle fille un homme brave et fort,
Sous la froide clarté de Séléné la blonde,
Suivant l’étroit chemin qui se plie et se tord