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écrit des symphonies admirables, pleines de mélodie et de science tout à la fois, vous en ayez composé d’autres dans lesquelles on rencontre peu ou point de chant, et qui, à proprement parler, ne sont pas amusantes du tout ? — Mon petit ami, me répondrait le grand compositeur, vous l’avez facile à dire. Quand le prince Esterhazy me demandait de lui écrire une symphonie dans un très bref délai, vous admettez que je ne pouvais refuser à mon protecteur chez qui j’étais si bien. Je me mettais de suite à la besogne et m’occupais tout d’abord à trouver un sujet ; si j’étais bien disposé, la mélodie ne me faisait pas défaut, mais si quelque contrariété, quelque douleur, quelque accès de goutte me chagrinait, vous comprenez que la fraîcheur des idées devait s’en ressentir ; cependant il fallait obéir : je prenais le premier motif qui me venait, et comme vous le savez, on m’a reconnu un peu de facilité pour tourner, retourner et ramener une phrase ; j’arrivais en fin de compte à achever mon œuvre.

— Et chez vous, divin Mozart, pourquoi à côté de sonates charmantes, en trouve-t-on d’ennuyeuses par l’absence complète de la pensée mélodique ?

— Que vous êtes bon ! Quand mes créanciers venaient me réclamer le paiement de dettes depuis longtemps arriérées, je courais bien vite chez un éditeur, et je lui disais : « Combien me paierez-vous une sonate ? — Tant. » Aussitôt, je rentrais chez moi, je prenais la plume et cherchais à avoir fini au plus vite, afin de faire cesser ces récriminations importunes en leur remettant les quelques florins qui devaient rémunérer mon travail.

« Beethoven aussi a payé sa dette à la faiblesse humaine. Sourd et infirme avant l’âge, souffrant d’embarras financiers, il n’a pu maintenir toutes ses compositions au même degré de valeur ; la science profonde ne fait jamais défaut, mais il faut