Page:Pilard - Deux mois à Lille par un professeur de musique, 1867.djvu/38

Cette page a été validée par deux contributeurs.

retard la partie du premier violon, et fasse néanmoins bonne basse contre lui, voilà une chose réellement curieuse à lire sur la partition ; mais qu’y a-t-il pour l’auditeur ? une phrase musicale assez pauvre exécutée par le premier violon et accompagnée d’une façon plus que bizarre. Je pourrais encore, Madame, vous citer un trio de…

— « Oh ! de grâce, assez de technologie. Vous n’aimez pas véritablement la musique.

— « Je n’aime pas celle qui ne représente rien. La musique au théâtre fait corps avec la parole pour peindre toutes les passions du cœur humain ; s’idéalisant davantage dans les œuvres classiques de chambre ou de symphonie, elle se présente à nous, ou plein de grâce naïve et de simplicité, ou de noblesse et de grandeur. Mais pour remplir ces différents buts, il lui faut avant tout la mélodie, le reste vient en seconde ligne. À quoi sert d’affubler du plus splendide vêtement harmonique une phrase plate et sans caractère ? À quoi ressemble donc un morceau où le chant ne domine pas ? à une riche confection recouvrant un mannequin à la devanture de la Ville de Paris ?

— « Oh ! ceci dépasse les bornes ! Quand donc ces grands maîtres qui sont vos modèles cesseront-ils d’être le point de mire de votre audacieuse critique ?

— « Madame, Haydn, Mozart et Beethoven sont nos maîtres à tous ; mais ces grands hommes ont dû à leur nature humaine d’avoir des défaillances qu’il est permis maintenant de signaler, car Voltaire le disait avec raison : « On doit des égards aux vivants et l’on ne doit aux morts que la vérité. » Ces défaillances tiennent à bien des causes. Je suis certain que Sainte-Cécile a su faire donner à cet illustre trio la meilleure place de toutes dans le paradis des musiciens ; eh bien ! supposons un instant que nous autres mortels puissions poser des questions aux habitants de l’éternel séjour ; ceci admis, je demande à Haydn : « — Maître, comment se fait-il qu’après avoir