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très intéressant, très instructif pour l’harmoniste de promener son scalpel sur le corps de ce scherzo et de faire l’analyse anatomique de toutes ses parties. Mais pour des amateurs, bon Dieu ! pour des amateurs qui n’ont à chercher dans la musique qu’une récréation, qu’y a-t-il donc dans une fugue ? Un sujet d’étude, peut-être ? une occasion de s’exercer à faire de la musique d’ensemble difficile ? Mais alors, dans ce cas, la séance doit avoir lieu à huis-clos. Pourquoi essayer de jouer une telle œuvre en présence d’auditeurs ?

— « Mais parce que c’est de la musique classique.

— « Je m’attendais à cette réponse. Il existe à Paris et dans les grandes villes de France des sociétés d’artistes formées dans le seul but de faire entendre de la musique classique ; mais elles savent faire la différence existant entre la musique dite de chambre qui plaît à un public intelligent, et cette musique toute de science que j’appellerai musique d’école, car elle ne peut servir qu’à l’instruction des artistes et sera toujours pour la masse des amateurs un grimoire incompréhensible.

— « Comment osez-vous critiquer ainsi les œuvres des grands maîtres ?

— « Mais je ne critique nullement ; je ne fais qu’assigner à chaque genre de musique ses interprètes et ses auditeurs. Soyons classicophiles, soit, mais non classicomanes ; et c’est tomber dans ce défaut, à mon avis que de vouloir jouer quand même tout ce qui est classique, intelligible ou non. Que Beethoven dans son Op. 59 nous ait laissé l’exemple d’anticipations le plus surprenant peut-être qui existe, cela importe assez peu, je crois, à ces messieurs ; et cependant, voilà ce qu’il y a de plus saillant dans un allegro qui ne brille certes pas par les beautés mélodiques. Que, dans ce Minuetto in Canone de Mozart, le violoncelle, entrant sur la fondamentale de neuvième mineure, exécute à une mesure de différence en