— « Quoi, Monsieur, dit la maman, pouvez-vous juger ainsi la musique classique, émettre de pareilles opinions en présence d’une enfant qui pourrait être votre élève ?
— « Je m’autorise bien vite, Madame, de l’épithète que vous venez de donner à mademoiselle votre fille, pour répéter une fois de plus que « la vérité sort de la bouche des enfants ». Puissiez-vous toujours, Mademoiselle, conserver la même franchise et exprimer toujours avec autant de sincérité l’effet que vous fait la musique que vous entendez !
— « Mais de mieux en mieux ! Croirait-on qu’un artiste, un professeur puisse tenir ce langage ? Le moment n’est pas opportun, mais je vous assigne demain pour deux heures. Des explications sont nécessaires.
— « Demain, à deux heures, comptez sur moi, Madame. »
À l’heure fixée, j’arrive, Madame est au salon, en compagnie du vaillant alto. Leurs fronts sont soucieux, leurs regards sombres : l’hérésie est en présence de l’orthodoxie.
— « Je crois, Madame, dis-je, que si vous êtes mon juge, Monsieur devra faire l’office de ministère public, et je ne vois pas le seul avocat qui aurait pu défendre ma cause.
— « L’avocat est à sa pension. Préparez bien vos arguments. Et tout d’abord, je trouve mal séant à un professeur de critiquer l’exécution d’un morceau que des amateurs lisent à première vue.
— « Permettez, Madame. Je sais bien que déchiffrer est synonyme de faire des fautes ou tout au moins de jouer l’œuvre sans nuances ou sans intelligence de son caractère ; mais je reconnais que ces messieurs ont exécuté le scherzo de leur mieux, et je vous rappelle mes propres expressions d’hier : j’ai dit que cette fugue serait-elle bien sue, elle m’ennuierait, et j’ajouterai : non seulement moi, mais encore d’autres.
— « Pourquoi ?
— « Parce qu’avant tout, j’ai le tort d’aimer la mélodie,