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humaines, un culte assidu, même de la part de ceux qui n’en font pas profession. Mais cette passion si vive, quand elle n’est pas réglée, tourne souvent au détriment du fini de l’art, en ce que beaucoup d’amateurs, forts de leur facilité de lecture, voient sans cesse du nouveau sans rien approfondir et ne gardent de l’œuvre déchiffrée que l’idée incomplète résultant d’une première exécution.

— « Nous sommes amateurs et nous faisons de la musique pour nous amuser, me répondait-on dernièrement à ce sujet.

— « Très bien, si vous faisiez comme chez certaines personnes où l’on ferme la porte à ceux qui ne jouent pas ; mais vous avez toute une galerie d’auditeurs…

— « Qui ont le droit de se retirer s’ils ne prennent pas de plaisir à la réunion.

— « Votre accueil est trop aimable pour qu’ils se permettent cette grossièreté : ils resteront jusqu’au bout ; mais le lendemain, il pourra bien arriver qu’on porte sur l’exécution de la veille des jugements mérités mais peu flatteurs pour votre amour-propre.

— « Des amateurs n’ont pas d’amour-propre.

— « Des amateurs, c’est possible ; mais vous associez des artistes à vos récréations musicales : par cette seule raison qu’ils sont artistes, ils doivent avoir l’amour-propre de la perfection. Croyez-vous qu’ils se contentent d’exécuter une seule fois ces mêmes œuvres que les grands maîtres comme Alard, Franchomme et autres ne veulent jouer en public qu’après de longues études partielles et simultanées ? »

La passion absolue de la musique de chambre, à l’exclusion de tout ce qui n’est pas classique, trouve ici de fervents adeptes. Pour eux, qu’est-ce que Rossini ? un petit cuistre italien qui a essayé de faire des quatuors, mais qui ne sera jamais rangé (cela est certain) dans les bons auteurs de musique de chambre. Jamais leur salon ne retentit d’une noble