un festin ni manger dans le palais avec un autre que moi. Il me fallait d’abord te prendre sur mes genoux, te couper les morceaux, et te porter à la bouche les aliments et le vin. Plus d’une fois tu arrosas ma tunique sur ma poitrine, en rejetant le vin de ta bouche. Ton bas âge fut difficile ; et j’ai enduré pour toi mille ennuis et mille peines, pensant que les dieux ne m’avaient pas donné d’enfant. Mais je te traitais comme mon fils, Achille égal aux dieux, afin qu’un jour tu détournasses de moi les funestes calamités[1] ». Phoenix est-il moins éloquent, dans ce passage, n’est-il pas plus touchant que dans tout le reste de son discours, même dans cette admirable allégorie des Prières, qu’il peint marchant d’un pied boiteux à la suite de l’Injure ? Quelles pensées, quels sentiments, quelles images lutteraient, contre ce naïf et simple tableau, non-seulement de vérité, mais de poésie, mais de charme et d’inspiration ? Demandez à Eschyle, qui n’a pas craint d’exprimer les regrets de la nourrice d’Oreste dans un langage plus simple, s’il est possible, et plus naïf encore. Heureux poëtes, qui ne connaissaient que la nature, et dont le génie marchait fier et libre, sans avoir à plier sa vive allure au caprice des sophistes et des rhéteurs !
Sublime d’Homère.
On lit, dans certains traités de littérature, parmi les exemples de sublime, le vers suivant :
Grand Dieu, rends-nous le jour, et combats contre nous.
C’est un vers de l’Iliade de La Motte ; et La Motte cite quelque part ces mots de son propre Ajax comme un exemple du sublime d’Homère. Mais il suffit de réfléchir un instant pour sentir que ce vers n’est nullement sublime, sans compter qu’il vient après cet autre vers, qui l’est beaucoup moins encore
Ah ! faut-il, dit Ajax, que je perde mes coups ?
C’est ce que Mme Dacier montra inutilement à La Motte avec
- ↑ Iliade, chant IX, vers 485 et suivants.