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HOMÈRE.

naître à Pénélope. Le lendemain, il quitte la ville, pour se soustraire à la fureur des parents de ceux dont il a tiré vengeance, et pour visiter Laërte son vieux père, dans sa maison des champs. L’ennemi vient l’assaillir jusque dans cette retraite ; mais, après une lutte de quelques instants, la paix se conclut entre les deux partis, grâce à l’intervention des dieux.


L’Iliade et l’Odyssée sont-elles l’œuvre du même poëte ?


C’est un poëte, et un poëte de génie, qui a composé l’Iliade ; c’est un poëte aussi, et un poëte non moins grand, qui a composé l’Odyssée. Nul doute sur ce point. Mais le poëte de l’Odyssée et le poëte de l’Iliade sont-ils le même poëte ? en d’autres termes, n’y a-t-il qu’un Homère, on en doit-on admettre deux ? c’est là une question depuis longtemps controversée, et sur laquelle de bons esprits sont d’avis différents. Dans l’antiquité même, il y a eu des critiques qui pensaient que l’Iliade et l’Odyssée n’étaient pas du même auteur. On nommait ces critiques chorizontes, c’est-à-dire séparateurs, à raison de la distinction, de la séparation qu’ils prétendaient établir entre les deux poëmes. Mais les motifs qu’ils alléguaient à l’appui de leur opinion paraissent en général bien légers, presque puérils. Je remarque que tous les chorizontes étaient des grammairiens de la première École d’Alexandrie, de cette École où l’on s’occupait infiniment plus des mots que des idées, et de la versification que de la poésie. Je croirais pourtant leur faire injure si je les jugeais d’après ce que rapportent d’eux les scholiastes d’Homère. Les chorizontes trouvaient étrange que le Crète n’eût que quatre-vingt-dix villes dans l’Odyssée, tandis qu’elle a cent villes dans l’Iliade. Si les deux poëmes, disaient les chorizontes, sont du même auteur, pourquoi les héros ne mangent-ils pas du poisson dans l’Iliade, puisqu’ils en mangent dans l’Odyssée ? Il n’est pas besoin, je pense, de discuter de pareils enfantillages.

Quelques modernes ont essayé, surtout dans ces derniers temps, de remettre en honneur l’idée des chorizontes, et de lui donner un caractère savant et systématique. Leurs argu-