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CHAPITRE L.

merveilles de verve et de grâce, de bon goût classique, de diction pure et élégante ! c’est Lucien même. L’Épître au Sénat et au Peuple d’Athènes est d’une beauté qui ne pâlit pas à côté des plus nobles monuments de l’éloquence antique ; et les traités où Julien se borne au rôle de philosophe et de moraliste ne sont pas trop indignes de ce Marc-Aurèle dont il méditait sans cesse la vie et les Pensées. L’épistolographe et le poëte même, dans Julien, méritent aussi plus qu’un regard distrait. Il n’y a que les Panégyriques qui aient aujourd’hui médiocre chance de plaire. Ils m’ont déplu. Cela est par trop factice et déclamatoire. Ce qui gâte encore ces exercices de rhétorique, ce sont les sujets, évidemment imposés par des convenances politiques, ou même par des nécessités fâcheuses. Je conçois encore que Julien ait loué Eusébie, à qui il devait beaucoup ; mais Constance, le meurtrier de tous les siens ! On n’est pas obligé de lire ces éloges. Il y a pourtant, dans ces discours d’un genre si faux, des passages fort remarquables. Ainsi ce portrait idéal d’un bon prince que l’Essai sur les Éloges nous a rendu familier, et dont Thomas signale à bon droit la vérité, la justesse, la parfaite raison. Mais des morceaux brillants, des traits heureux, des vérités de détail, des qualités de style éminentes, ce n’est point assez. L’éloquence continue, même avec Trajan pour objet, est à peine tolérable. Qu’est-ce donc que l’éloquence intermittente, appliquée aux mérites imaginaires de l’abominable Constance ?

Nous ne connaissons que par fragments le livre de Julien pour la défense de l’hellénisme, c’est-à-dire des traditions religieuses de la Grèce, contre les attaques du christianisme. Nous n’avons rien de ses Mémoires sur ses campagnes en Germanie. S’il était permis, dit un critique, de juger de cet écrit par le caractère général de ses œuvres littéraires, il semble qu’on devait y retrouver la simplicité et la précision de César, avec plus de grâce, mais avec moins de nerf et de concision. Le chef-d’œuvre de Julien, c’est la satire intitulée les Césars ou le Banquet. C’est le tableau des vertus, des vices et des travers des empereurs. Les figures y sont tracées de main de maître, avec une finesse de touche et une vérité de couleurs admirables. Constantin n’y est pas flatté ; mais cet homme