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CHAPITRE L.

grandes guerres. Mais combien plus admirable encore est le simple et modeste récit qu’en fait Julien lui-même à ces Athéniens qui s’étaient dévoués dès le premier jour à sa cause ! Julien, dans cette page, est digne des plus illustres narrateurs de l’antiquité ; et sa façon de dire a je ne sais quelle ingénuité charmante à quoi je ne saurais rien comparer. Il n’y a que le héros qui puisse parler ainsi de ce qu’il a fait, et peindre sans y penser son génie, son courage, la noblesse et la beauté de son âme. Ce n’est pas sans émotion que je transcris cet admirable passage : « Ayant trouvé la Gaule dans cette situation, je reprends Agrippina (Cologne), ville située sur le Rhin, prise depuis dix mois environ, et ensuite Argentoratum (Strasbourg), forteresse voisine du pied même des monts Varsègnes (Vosges). Ce fut un glorieux combat, et la renommée en est peut-être arrivée jusqu’à vous. Les dieux firent tomber en mon pouvoir le roi des ennemis ; mais je n’enviai point ce succès à Constance. Quoique privé des honneurs du triomphe, j’étais le maître de faire égorger mon prisonnier, ou bien de le mener à travers toute la Celtique, de le donner en spectacle aux villes, et de me faire une sorte de plaisir des malheurs de Chnodomaire : personne ne m’en empêchait. Je ne jugeai point à propos cependant de rien faire de semblable ; mais je le renvoyai droit à Constance, qui revenait alors de chez les Quades et les Sauromates. Ainsi, tandis que je combattais, Constance avait fait un voyage d’agrément, bien accueilli par les nations qui habitent les rives de l’Ister (du Danube) ; et ce n’est pas moi, c’est lui qui triomphait. Dans la seconde et la troisième année qui suivent, la Gaule entière est purgée de barbares ; la plupart des villes sont relevées ; un grand nombre de vaisseaux tirés de la Bretagne viennent y mouiller. J’appareille avec une flotte de six cents navires, dont trois cents construits par mes soins en moins de dix mois, et j’entre dans les eaux du Rhin : opération difficile, vu les incursions des barbares qui habitent les rives. Florentius (préfet du prétoire) croyait la chose tellement impossible, qu’il avait promis deux mille livres d’argent pour obtenir d’eux le passage ; et Constance, instruit du marché, y avait donné les mains. Il