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ÉCOLE D’ATHÈNES.

ter ces mille sentiers, n’en laisser qu’un seul pour tous, ce serait étouffer le combat dans un étroit défilé. Enfin, s’il faut dire la vérité, l’accord de toutes les opinions, ce rêve des hommes ignorants, ne peut que déplaire à Dieu. Ne semble-t-il pas, en effet, interdire et condamner lui-même cette uniformité de culte ? La nature, dit Héraclite, aime le mystère. Le père de la nature l’aime davantage encore. Ainsi, en se tenant loin de nos regards et hors de la portée de la science humaine, ne nous déclare-t-il point assez qu’il ne demande pas à tous le même culte, mais qu’il veut que nous le méditions chacun par notre intelligence, et non par celle d’un autre ? »

Thémistius a dirigé quelques-uns de ses discours contre ceux qui s’enorgueillissaient du nom de sophistes ; et il repousse énergiquement ce titre pour lui-même, comme une qualification infamante. On voit qu’il était en droit de se compter parmi les membres d’une famille plus noble que celle de Gorgias, et qu’il n’était pas complétement indigne de ce grand Platon dont il étudiait assidûment les œuvres.


Julien.


Julien n’était point, comme Thémistius, un homme sage et réfléchi. Il ne connut bien ni son temps ni les hommes de ce temps. La passion, dans son âme, l’emportait sur la prudence, et son mysticisme l’entraîna aux plus fâcheux écarts. Il ne gagna que de l’odieux dans l’entreprise de restaurer le polythéisme, et de ramener la foule aux anciens temples. Ses vertus personnelles, ses talents militaires, son courage, son esprit, tout ce qui aurait suffi en un autre siècle pour le placer au rang des héros de l’humanité, n’a abouti qu’à faire de lui un sophiste d’une espèce bizarre, ou, si l’on veut, un artiste dont les fantaisies archéologiques ont un instant compromis le sort du monde. Mais nous n’avons point à juger ici le politique malhabile. Il s’agit de l’écrivain ; et les ouvrages de Julien méritent de figurer parmi les plus remarquables et les plus originales productions du génie antique. On n’a pas souvent écrit, dans les siècles de décadence,