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OPPIEN. BABRIUS.

un asile dans les profondeurs les plus basses et les plus reculées. Le bouleversement des ondes ni la furie des vents ne se font point sentir dans les extrêmes profondeurs, et aucune tempête n’atteint jusqu’aux dernières couches, jusqu’aux derniers retranchements des eaux. Ils échappent ainsi aux maux et aux funestes effets de l’hiver terrible. Mais lorsque le printemps rend à la terre sa parure de fleurs, et fait sourire les ondes, qui respirent délivrées des noirs frimas ; lorsqu’un air plus doux caresse mollement la surface des flots, alors les poissons, tout joyeux, s’élancent de toutes parts dans le voisinage de la terre. Telle une ville chérie des dieux, heureuse de survivre au fléau destructeur de la guerre, après y avoir été longtemps en proie : libre enfin et respirant des maux qu’elle a soufferts, elle donne volontiers l’essor à sa joie ; elle se plaît à reprendre les utiles travaux de la paix, et elle voit ses habitants se livrer sans crainte aux plaisirs de la table et de la danse. Tels les poissons, débarrassés de leurs longues douleurs et de la crainte des tempêtes, s’agitent et bondissent, ivres de joie et de bonheur, et pareils à des danseurs agiles. » Oppien, comme on le voit même ici, ne peut guère s’empêcher de dépasser de temps en temps la juste mesure. C’est le Lucain des Grecs ; je veux dire un poëte plein de talent et d’imagination, mais trop jeune pour être complétement maître de lui-même et dompter sa fougue. D’ailleurs il n’y a pas de comparaison possible entre les humbles sujets traités par Oppien et l’immense tableau ébauché par le neveu de Sénèque. Mais Oppien est, en définitive, un poëte distingué, un des moins indignes parmi ceux qui avaient entrepris, depuis les philosophes poëtes, de marcher sur les traces du chantre des Œuvres et Jours.


Babrius.


C’est par conjecture qu’on fait vivre Babrius au commencement du troisième siècle de notre ère. On suppose que le roi Alexandre, père de ce jeune Branchus à qui le poëte a dédié son recueil, est l’empereur Alexandre Sévère, assassiné en l’an 235, à l’âge de vingt-six ans. On suppose aussi que