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CHAPITRE XLV.

pas qu’Aristide de Milet n’eût raconté que des histoires de transformations ; mais il en avait assurément raconté, et comme lui son imitateur latin Sisenna, dont les livres scandalisèrent la pudeur du général des Parthes, à l’époque du désastre de Crassus. Il serait parfaitement vain d’entreprendre de dire pour quelle part le merveilleux entrait dans les contes de Sisenna ou d’Aristide. Il nous suffit de ce que fait entendre le mot d’Apulée.

Quelques-uns ont même été jusqu’à prétendre que le conte intitulé Lucius ou l’Âne, n’était autre chose qu’une de ces fables de Milet, et rédigée par Aristide ou par quelqu’un des émules d’Aristide. Mais rien n’est plus éloigné, comme le remarque un critique, de la molle langueur des œuvres ioniennes que le style sobre, précis, et même un peu sec, de l’auteur de Lucius. Mille traits d’ailleurs décèlent une littérature vieillie, qui abuse de l’esprit, une civilisation raffinée ou corrompue, qui se fait un jeu des choses les plus saintes. La date du livre est écrite, si je puis dire, à chaque page, presque à chaque ligne ; et il faut vraiment fermer les yeux pour ne pas reconnaître partout le génie et la main du grand railleur de Samosate.


Lucius ou l’Âne.


Voici, du reste, ce qu’on lit dans la Bibliothèque de Photius : « J’ai lu les Métamorphoses, de Lucius de Patras, en plusieurs livres. La diction en est claire et élégante, le style plein de douceur. Il évite avec soin les agencements insolites de mots ; mais, pour le fond des choses, il recherche le merveilleux outre mesure : c’est en quelque sorte un second Lucien. Les deux premiers livres reproduisent presque littéralement l’ouvrage de Lucien, intitulé Lucius ou l’Âne, à moins que ce soit Lucien qui ait copié Lucius. J’inclinerais même volontiers à croire que Lucien est l’imitateur, car je n’ai pu découvrir lequel des deux est antérieur à l’autre. Il aurait alors tiré son ouvrage, comme d’un bloc, de celui de Lucius, abrégeant, élaguant tout ce qui ne lui semblait pas aller à son but, conservant même les mots et les tournures ; de sorte que