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LUCIEN.

néral de la fiction, dans les métamorphoses, c’était l’histoire des transformations d’un homme en un autre homme, d’un homme en bête, d’une bête en homme. Homère avait conduit son héros dans des contrées où jamais depuis n’aborda personne, et qui n’avaient jamais existé que dans sa riche et féconde imagination. D’autres voulurent à leur tour s’illustrer par des découvertes qu’on pouvait faire sans sortir du cabinet ; et ils racontèrent ce qu’ils avaient rêvé de quelque nouvelle Schérie, de quelque nouveau pays des Cimmériens, ou même de quelque région plus fantastique encore : « Iambule, dit Lucien dans la préface de l’Histoire véritable, a composé, sur les productions de l’Océan, une foule de contes incroyables ; et, quoique personne ne se fasse illusion sur ses inventions fabuleuses, il a su, par la manière dont il a traité son sujet, y répandre quelque intérêt. Beaucoup d’autres ont, dans le même dessein, mêlé au récit de leurs voyages supposés, de leurs excursions lointaines, la description d’animaux monstrueux, d’hommes sauvages, de mœurs étranges. »

Nous ne savons ni le titre de l’ouvrage d’Iambule, ni les noms de ces nombreux auteurs qui avaient été ou les devanciers ou les émules de ce conteur, dont l’époque même est inconnue. Mais nous savons que le plus ancien des romans dont Photius a fait l’analyse n’était lui-même qu’un voyage imaginaire, au fond duquel se trouvait comme plaquée une histoire d’amour. Le titre même était : des Choses incroyables qui se voient au delà de Thulé. Photius fait vivre l’auteur de ce roman au siècle qui suivit la mort d’Alexandre. Mais le nom même du conteur, Antonius Diogène, indique manifestement un Grec romanisé, par conséquent un homme qui n’a pu vivre que dans les derniers temps de la république ou dans les premières années de l’empire. Quoi qu’il en soit, on ne peut guère douter que la plupart des récits que rappelle Lucien n’appartinssent à des temps déjà reculés. Les métamorphoses du moins dataient de plusieurs siècles. Apulée, qui a écrit la métamorphose par excellence, appelle son Âne d’or une Milésienne. Ainsi ces fables de Milet, dont Ovide signale la licence, étaient des métamorphoses. Je ne prétends