Page:Pierron - Histoire de la littérature grecque, 1875.djvu/533

Cette page a été validée par deux contributeurs.
521
PLUTARQUE.


Plutarque moraliste.


La grande collection des œuvres diverses de Plutarque, connue vulgairement sous le titre de Morales, contient des traités de toute valeur et presque de tout genre. Il est vrai que Plutarque est un moraliste avant tout. Son âme d’honnête homme passionné pour le bien se mêle à tout ce qu’il écrit : c’est là ce qui donne tant de vie même à ses dissertations d’antiquités ; c’est là ce qui fait lire ses discussions métaphysiques, politiques ou religieuses ; c’est là ce qui rend intéressantes jusqu’à ses faiblesses d’esprit. On lui pardonne sans peine d’avoir été fort injuste envers les stoïciens ; et, quand on songe à son amour tout filial pour Chéronée, on s’explique qu’il ait fait un livre contre l’historien Hérodote, qui avait dû traiter sévèrement dans ses récits la Béotie et les Béotiens. Mais parmi cette multitude d’écrits, qui pour la plupart n’ont avec la morale proprement dite que des rapports indirects et fortuits, il en est un certain nombre dont la morale didactique est le sujet, la substance même ; et ceux-là sont les plus renommés de toute la collection : ce sont ceux où le génie de Plutarque s’est montré avec tous ses avantages. Quelques-uns sont d’une haute éloquence. Le dialogue intitulé des Délais de la Justice divine est la plus grande et la plus belle œuvre que la littérature et la philosophie grecques eussent enfantée depuis le temps de Platon. Le dialogue intitulé de l’Amour n’est guère moins remarquable en son genre. Plutarque n’a pas traité ce sujet dans la grande manière de Platon, et son livre n’est point une contrefaçon du Banquet. Il a laissé la métaphysique profonde et la haute poésie ; il s’est enfermé dans le domaine des réalités de la vie domestique ; il a voulu se montrer uniquement ce qu’il était, bon époux, bon père de famille, conteur très-aimable. Son livre est le panégyrique de l’amour légitime, et contient le récit d’une foule d’anecdotes dont la tendresse conjugale est le thème ordinaire. C’est là, vers la fin du dialogue, que Plutarque raconte la touchante histoire du dévouement d’Empone, que nous nommons, d’après les Latins, Éponine. Il y a encore d’autres écrits, dans la collection, qui passeraient pour