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CHAPITRE XXXVIII.

lants, tels que le récit du supplice d’Érysichthon, ils n’appartiennent guère plus à la vraie poésie que l’Alexandra même. Callimaque est un Lycophron tempéré. C’est, si l’on veut, le premier des versificateurs ; mais c’est l’avant-dernier des poëtes, sinon aux yeux de ceux qui ont pris la peine de le commenter ou de le traduire.


Apollonius.


Callimaque avait, parmi ses disciples, un jeune homme d’Alexandrie nommé Apollonius, qui était né avec des dispositions très-heureuses. Ce jeune homme, à peine âgé d’une vingtaine d’années, publia un poëme épique sur l’expédition des Argonautes. Le succès de cet ouvrage alluma la jalousie de son maître. Callimaque ne se contenta point de critiquer Apollonius en paroles : il écrivit contre lui une satire des plus virulentes, et travailla à le perdre dans l’esprit du monarque. Apollonius céda à l’orage : il quitta son pays, et il se retira à Rhodes, où il enseigna la rhétorique et la grammaire et où il obtint le droit de cité. Voilà pourquoi on lui donne ordinairement le nom d’Apollonius de Rhodes. C’est à Rhodes qu’Apollonius remania son poëme, et le mit dans l’état où nous le possédons. Cette seconde édition eut un succès encore plus grand que la première. Apollonius fut rappelé à Alexandrie, et y devint un personnage considérable. Il est vrai que Callimaque était mort, et que le vieux poëte malveillant n’était plus là pour ravaler le mérite de son ancien disciple. Apollonius prolongea sa vie jusqu’à l’âge de quatre-vingt-dix ans, et mourut dans les premières années du deuxième siècle. On dit que son corps fut mis dans le tombeau où reposait Callimaque. Ces deux hommes, si hostiles l’un à l’autre pendant leur vie, durent sentir se ranimer leur poussière, quand on les rapprocha ainsi dans le même néant.

Les Argonautiques sont le chef-d’œuvre de la littérature Alexandrine. Le plan du poëme est timide. Apollonius se traîne servilement sur les traditions vulgaires ; même parmi Ces traditions, il ne choisit pas toujours ce qu’il y a de plus