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CHAPITRE XXXVII.

cours, était, dans ses livres, sec, didactique et sans agrément, Chrysippe composait ses ouvrages avec un absolu mépris de la forme. Il regardait comme perdu tout le temps qu’eussent exigé la conception d’un plan systématique, l’harmonieuse distribution des parties du sujet, l’arrondissement des phrases, et même la correction du style ; et il écrivait en conséquence : « Non-seulement, disait-il, il faut négliger la collision des voyelles, pour ne penser qu’à ce qui est plus grand et de plus grande importance, mais il faut encore laisser passer certains défauts et certaines obscurités, et faire même des solécismes dont d’autres rougiraient. » On conviendra que, s’il y a une sorte de raison au fond de ces préceptes, il y a aussi des paradoxes un peu étranges, et que la permission du solécisme est chose au moins exorbitante. Arcésilas, le chef de la nouvelle Académie, avait assez de talent pour écrire des chefs-d’œuvre ; mais il n’ambitionna point cette gloire, et il se contenta de bien parler, et de laisser le souvenir de ses bons mots. Deux hommes seulement semblent avoir eu à cœur de vivre dans la postérité véritable, et non point dans une secte plus ou moins durable et fameuse. Ces deux hommes, un philosophe pyrrhonien et un disciple de Zénon, sont les derniers poëtes dont puisse se vanter l’Athènes des successeurs d’Alexandre ; et peut-être l’un des deux fut-il même le dernier des grands prosateurs attiques.


Timon le sillographe.


Timon le sillographe était de Phliunte. Après avoir étudié la philosophie dans l’école de Mégare, il s’attacha à Pyrrhon, et il devint plus tard, par la mort de son maître, le chef de l’école sceptique. Il se fixa d’assez bonne heure à Athènes qu’il ne quitta plus, et il y mourut vers l’an 260, à quatre-vingt-dix ans. Il avait écrit des ïambes, qui étaient probablement des satires philosophiques ou morales. Mais l’ouvrage qui l’avait rendu célèbre, c’étaient les Silles, en trois livres, dont Diogène de Laërte donne l’analyse et cite d’assez nombreux passages. Le mot sille, σίλλος, signifie sarcasme. Les Silles de Timon ne démentaient pas leur titre. Timon se mo-