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CHAPITRE XXXVI.

furent Euripide et Sophron. J’ai déjà dit combien les poëtes de la Comédie nouvelle admiraient Euripide. Philémon allait un peu loin dans son enthousiasme : « Si j’étais sûr en vérité, s’écriait-il, que les morts conservassent encore quelque sentiment, comme certaines gens le prétendent, je me pendrais afin de voir Euripide. » Euripide avait toute sorte de titres à ces préférences. Il avait réduit les légendes héroïques à l’état de chroniques bourgeoises ; il avait remplacé les demi-dieux par des hommes, marchant comme nous sur la terre et partageant nos faiblesses ; il avait donné à ses personnages une diction presque vulgaire, toute pleine d’expressions empruntées ou aux discussions de la place publique ou aux conversations du foyer. Ménandre était tellement nourri de la lecture d’Euripide, qu’il lui empruntait à chaque instant des mots, des pensées, des phrases, des vers entiers. Même encore aujourd’hui, on peut reconnaître la trace de ces emprunts. Mais ce que Ménandre imitait surtout, c’était ce ton de vérité avec lequel Euripide avait fait parler les passions, c’était l’art ingénieux que le poëte tragique avait déployé pour donner à l’intrigue de ses pièces la vraisemblance humaine et l’intérêt. Philémon et les autres émules de Ménandre n’en usaient guère moins librement avec Euripide ; et les ouvrages du poëte d’or, comme ils nommaient l’auteur de Médée, étaient une mine abondante où ils puisaient à pleines mains les exemples et les secours.

Sophron n’était pas, comme Euripide, un poëte tragique. Ce n’était pas même un poëte dans le sens rigoureux du terme, puisque ses compositions dramatiques n’étaient point écrites en vers. Il avait vécu à Syracuse, vers le temps des Denys. Voici en quoi consistaient ses pièces, qu’il intitulait du nom de mimes, μῖμοι, du mot μιμοῦμαι, qui signifie imiter. Sophron avait imaginé de rédiger, en prose dorienne, des scènes dialoguées, où il faisait parler des hommes et des femmes du peuple, avec la naïveté spirituelle et la pittoresque énergie de leur langage. Platon, qui avait peut-être connu Sophron à Syracuse, admirait ces tableaux, et s’en inspirait, dit-on, pour donner aux personnages de ses dialogues le plus qu’il pouvait de naturel et de vie. Les mimes de