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CHAPITRE XXXIII. ESCHINE. DÉMOSTHÈNE.

l’élevant jusqu’au sublime, jusqu’au pathétique, en forçant la conviction par des serments nouveaux, extraordinaires. Du même coup encore il fait descendre avec ses paroles, dans les âmes de ceux qui l’écoutent, un baume salutaire qui guérit leurs blessures. Il les console par ses éloges ; il leur donne à entendre qu’ils n’ont pas moins à être fiers de leur combat contre Philippe, que des victoires de Marathon et de Salamine. »

On conte qu’Eschine, à Rhodes, commença ses leçons d’éloquence par la lecture des deux harangues prononcées au sujet de la Couronne. La sienne achevée, les applaudissements éclatèrent. Et comme on s’étonnait qu’avec un tel chef-d’œuvre il n’eût pas vaincu : « Attendez, » dit-il ; et il lut le discours de Démosthène. Les applaudissements redoublèrent. Alors Eschine : « Que serait-ce donc si vous eussiez entendu le monstre lui-même ? »


Éloquence politique après Démosthène et Eschine.


Démosthène et Eschine n’eurent point d’héritiers. Ceux que la Grèce esclave appela encore des orateurs n’étaient que des déclamateurs et des sophistes. Démétrius de Phalère lui-même méritait à peine le nom d’orateur, quoiqu’il eût été le disciple de Démosthène, et malgré ses talents d’homme d’État, de parleur habile et d’écrivain. Sans juger de lui par le traité apocryphe de l’Élocution, il ne fut, de l’aveu même des anciens, qu’un bel esprit honnête, une sorte d’Isocrate moins spéculatif, et entendant assez bien l’art de commander aux hommes. Au reste, quel besoin avait de l’éloquence véritable cet archonte décennal élu sous l’influence de la Macédoine, ce gouverneur d’Athènes dont les volontés n’avaient pas de contradicteur, et n’en pouvaient avoir ?