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ESCHINE. DÉMOSTHÈNE.

d’âme, et qu’avec tout son génie, Démosthène n’a pourtant pas mérité d’être placé au rang des orateurs antiques, de ceux qui avaient été, comme Périclès, de grands hommes d’État et des généraux habiles et braves. Cette fière assurance que donnait à Périclès la conscience des grandes œuvres accomplies, Démosthène, si malheureux dans toutes ses entreprises, n’en avait souvent que l’apparence. Il n’a point cette majesté simple et sublime qui fut le caractère de l’éloquence de Périclès ; et, quoi qu’en disent les rhéteurs, il a trop négligé de sacrifier aux Grâces, même à ces Grâces un peu mâles et sévères dont Périclès fut entre tous l’heureux favori. Ces réserves faites, je souscris à tous les éloges dont anciens et modernes ont à l’envi comblé Démosthène. Je nie seulement que Démosthène remplisse toute l’idée qu’on se peut former de l’éloquence, et qu’il ne laisse jamais rien à désirer. C’est le plus complet de tous les orateurs qui ont écrit ; mais ce n’est ni l’éloquence personnifiée, comme quelques-uns le prétendent, ni l’idéal de l’orateur.

Je fais bon marché des reproches que d’autres lui adressent, de n’avoir pas toujours un plan parfaitement clair, et de marcher par sauts et par bonds, au lieu de suivre un ordre méthodique. Les Philippiques, qui sont en général fort courtes, et dont chacune n’embrasse qu’un petit nombre de faits, échappent à cette accusation. Les grands discours, pour n’être pas construits avec un art visible au premier aspect, ont cette unité véritable que les plus habiles dispositions ne sauraient remplacer ; je veux dire qu’ils sont tous fondés sur une idée principale, dont, toutes les autres ne sont que des préparations, des développements et des corollaires.


Discours pour Ctésiphon.


Voyez le discours de la Couronne ; et dites si les Athéniens, après avoir entendu Démosthène, pouvaient hésiter à confesser eux-mêmes que Démosthène avait eu raison de conseiller la guerre où ils avaient été vaincus. C’est là l’idée qui revient sous toutes les formes, et dont ne distraient notre esprit ni l’apologie du décret proposé par Ctésiphon, ni les invectives