Page:Pierron - Histoire de la littérature grecque, 1875.djvu/451

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
439
ESCHINE. DÉMOSTHÈNE.

tutions considérables. Il est probable qu’Isée l’avait aidé dans la composition des cinq plaidoyers qu’il prononça dans le procès, et que nous possédons.

Démosthène essaya bientôt de monter à la tribune aux harangues ; mais il fut deux fois repoussé par des huées. Son style parut pénible et obscur, son débit sans facilité et sans grâce. Ces échecs, au lieu de le rebuter, ne firent qu’enflammer sa passion pour la gloire. Il s’enferma, durant plusieurs années, dans une solitude profonde, travaillant avec une opiniâtreté acharnée à vaincre ses défauts naturels, pâlissant sur les livres, copiant et recopiant Thucydide, méditant, composant, surtout déclamant. Enfin il reparut à la lumière, maître de lui-même et de toutes les ressources de l’art. Il avait alors vingt-cinq ans. Il parvint en peu de temps à la puissance et à la renommée. Il se servit aussi de son talent pour accroître sa fortune. Il écrivait des plaidoyers comme avaient fait Antiphon, Isée et tant d’autres ; et son caractère âpre et violent s’accommodait mieux du rôle d’accusateur ou de demandeur, que de celui de défendeur ou d’apologiste. Les nombreux discours judiciaires qui nous restent de lui ne sont qu’une petite partie de ceux qu’il avait écrits ou prononcés.


Discours de Démosthène.


Les plaidoyers de Démosthène suffiraient à eux seuls pour maintenir à leur auteur une réputation immortelle. On y trouve déjà la plupart des qualités qu’il développa avec tant d’éclat dans ses discours politiques, surtout la raison passionnée, la dialectique entraînante. Mais ses harangues au peuple et ses plaidoyers politiques l’emportent autant sur ses plaidoyers judiciaires que ceux-ci l’emportent sur les plaidoyers d’Isée et de tous les autres orateurs attiques. La plupart des Philippiques sont des chefs-d’œuvre. Quant à la défense de Ctésiphon, ce fameux discours de la Couronne, c’est Démosthène tout entier, tout vivant, tout brûlant encore du génie et des passions qui l’animaient il y a plus de vingt siècles.

Pendant quatorze ans, Philippe ne put faire un pas sans