Page:Pierron - Histoire de la littérature grecque, 1875.djvu/450

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
438
CHAPITRE XXXIII.


Éloquence d’Eschine.


Eschine n’avait écrit que les trois discours que nous possédons. Les anciens les nommaient les trois Grâces. Ce sont des Grâces quelquefois un peu molles et un peu affectées, mais dignes pourtant de leur nom. Quintilien reproche avec raison à Eschine d’avoir plus de chair que de muscles. Eschine est un artiste et un homme d’imagination, bien plus qu’un logicien puissant. Il dispose très-habilement le plan général d’un discours ; mais il ne sait ni en serrer étroitement les parties, ni condenser les arguments, ni produire cette unité d’impression qui est le triomphe de l’éloquence. Mais il est brûlant de passion, plein de mouvement et d’éclat. Il abonde en expressions heureuses, en figures non moins justes que hardies. Il dépasse quelquefois le but, mais assez rarement, si l’on juge ce qu’il dit non pas d’après les règles de la vérité absolue, mais d’après ce que lui-même estimait la vérité. Peut-être pèse-t-il un peu trop les mots, comme tous ceux qui avaient fréquenté l’école d’Isocrate ; mais ce n’est pas lui qu’on peut jamais accuser de parler pour ne rien dire : il dit trop, plus souvent que trop peu, et il nuit involontairement à sa cause. Ce n’est pas, tant s’en faut, l’orateur parfait ; mais c’est un des plus parfaits qu’il y ait eu au monde.


Vie de Démosthène.


Démosthène, qui était déjà célèbre à l’époque des débuts d’Eschine, était de huit ans plus jeune que son rival. Il était né en 385, à Péanie en Attique. Il perdit, à l’âge de sept ans, son père, qui était un riche armurier. Ses tuteurs dilapidèrent sa fortune, et négligèrent son éducation. Il alla, malgré eux, entendre Platon et Euclide de Mégare ; et l’Académie n’eut pas de plus zélé disciple. Il résolut de poursuivre devant les tribunaux les misérables qui avaient abusé de son état d’orphelin. Il prit, pour se guider dans ses études oratoires, cet Isée dont nous avons parlé. Parvenu à l’âge de majorité, il plaida contre ses tuteurs et il les fit condamner à des resti-