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ESCHINE. DÉMOSTHÈNE.

contributions de la Grèce, et dont le peuple dota les filles devenues orphelines, s’indigne de l’avilissement de la justice : « Rougissez, s’écrie-t-il, en songeant à la conduite de vos pères ! Arthmius de Zélie avait apporté en Grèce l’or des Mèdes, et il avait fixé son séjour dans notre ville : proxène du peuple athénien, il n’échappa à la mort que pour être banni d’Athènes et de tous nos territoires ; et ce Démosthène, qui n’a pas simplement apporté l’or des Mèdes, mais qui l’a reçu pour ses trahisons, et qui le possède encore, vous vous disposez à lui mettre une couronne a d’or sur la tête ! » Thémistocle enfin, et les morts de Marathon, et ceux de Platées, et les tombeaux mêmes de nos aïeux, ne gémiront-ils point, croyez-vous, si l’homme qui sert, de son propre aveu, les barbares contre les Grecs, est jamais couronné ? Pour moi, ô Terre, ô Soleil ! ô Vertu ! et vous, intelligence, science, par quoi nous discernons le bien et le mal ! j’ai accompli mon devoir ; j’ai dit. Si j’ai accusé le crime avec force, et comme il le mérite, j’ai parlé suivant mon désir ; suivant mon pouvoir du moins, si j’ai été au-dessous de la tâche. Quant à vous, sur les preuves que j’ai fournies, sur celles que j’ai pu omettre, prononcez d’après la justice et d’après les intérêts de la république. »

Ctésiphon ne fut point condamné. Eschine n’eut pour lui que le cinquième des voix, au lieu de la moitié plus un cinquième, qu’il lui eût fallu d’après la loi relative aux accusations politiques. Passible d’une amende de mille drachmes, et honteux de sa défaite, il quitta Athènes le jour même, et il se retira à Éphèse. Il y attendait le retour d’Alexandre, engagé alors dans des expéditions lointaines. Mais Alexandre ne revint pas ; et Eschine, après la mort de son protecteur, alla se fixer à Rhodes, où il ouvrit une école de rhétorique, qui fut célèbre longtemps encore après lui. Il mourut en 314, à Samos, où il était venu pour quelque affaire. Il était âgé de soixante-dix-neuf ans.