Page:Pierron - Histoire de la littérature grecque, 1875.djvu/443

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
431
ORATEURS DU QUATRIÈME SIÈCLE AV. J. C.

mort. On vantait l’ordre et l’économie des discours d’Hypéride, la force de ses raisonnements, la vivacité et la douceur de son style. Mais Quintilien remarque que c’est surtout dans la manière de traiter les sujets tempérés qu’il méritait d’être pris pour modèle.

Depuis que ce qui précède a été écrit, on a retrouvé des discours entiers d’Hypéride. Nous avons aujourd’hui la fameuse oraison funèbre dont Stobée nous avait conservé une page admirable. Cet éloge de Léosthène et des soldats tués dans la guerre Lamiaque justifie pleinement la remarque de Quintilien. M. Dehèque nous adonné ce discours. J’emprunte à sa traduction une des belles pages que nous avons désormais à joindre, dans nos souvenirs, à celle qui est de tout temps classique chez les amis des belles-lettres :

« Voilà pour quels principes ces guerriers ont souffert fatigues sur fatigues ; voilà comment, par leurs périls de tous les jours, écartant de nous les terreurs qui pesaient sur Athènes et sur la Grèce entière, ils ont donné leur vie pour assurer la nôtre. Aussi leurs pères sont comblés de gloire, leurs mères signalées à l’estime de tous ; leurs sœurs trouvent ou trouveront des maris, comme le veut notre loi, et leurs enfants auront dans la vertu de ces hommes toujours vivants une juste recommandation auprès du peuple. »

« J’ai dit toujours vivants, car il ne faut pas appeler morts ceux qui quittent si glorieusement la vie ; il faut dire qu’ils ont passé à une vie heureuse. En effet, s’il y a quelque endroit où l’homme soit récompensé, la mort n’a pu être pour ces guerriers que le commencement de grands biens. Comment donc ne pas les estimer bienheureux ? Comment croire qu’ils ont quitté la vie, au lieu de renaître à une existence meilleure que la première ? A leur première naissance, ils n’étaient que de pauvres enfants : aujourd’hui ce sont des hommes. Dans leur première vie, il leur a fallu faire preuve d’eux-mêmes au prix de longs et nombreux périls : ils entrent dans l’autre déjà connus et célébrés pour leur courage. Quand oublierons-nous jamais leur dévouement, et où ne seront-ils pas toujours un objet d’émulation et d’éloges ? »