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CHAPITRE III.

n’accueillaient pas avec moins de faveur une répétition intelligente de quelque morceau fameux des vieux maîtres, que la récitation d’un chant fraîchement éclos de la minerve d’un aède du jour. J’imagine que les auditeurs eux-mêmes, mal satisfaits de ce qu’on leur donnait, ou seulement afin de varier leurs plaisirs, ne manquaient guère de forcer les aèdes, bon gré mal gré, à faire large place dans leurs chants à la muse antique.


Les Rhapsodes.


Les maîtres du chant s’étaient fait gloire, de tout temps, de former des disciples dignes d’eux. Mais, s’il leur était facile de transmettre à d’autres les secrets de la récitation cadencée et de l’accompagnement musical, ou même les règles de la versification et de la composition poétique, l’esprit d’invention n’était pas toujours l’apanage de ces héritiers de leurs travaux. Beaucoup d’ailleurs trouvaient plus commode de fouiller dans leur mémoire que de solliciter péniblement une imagination souvent rétive. Tout l’effort poétique de ces aèdes dégénérés se bornait, peu s’en faut, à la composition de quelques courts proèmes (προοίμια, c’est-à-dire préludes), sous forme d’hymnes religieux ; et ces proèmes n’avaient aucun rapport, la plupart du temps, avec les chants qu’ils précédaient. Le plus grand nombre des hymnes attribués à Homère ne sont autre chose que des introductions de ce genre, qui servaient à toutes fins. Plusieurs même se terminent par une formule bien significative : « Je me souviendrai d’un autre chant. » Les récitateurs poétiques dont nous parlons, qui n’étaient plus des poëtes, au moins pour l’ordinaire, on les nomma rhapsodes, et rhapsodie leur méthode de débiter les vers.


La Rhapsodie.


Pindare appelle les Homérides, ou rhapsodes homériques, des chantres de vers épiques continus. Les termes dont il se sert ne sont qu’une diérèse du mot rhapsode lui-même, et en