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ORATEURS DU QUATRIÈME SIÈCLE AV. J. C.

celle de Mégaclide. Il préféra armer la trirème. Cette action en substitution de personne ou de biens, c’est ce que les Athéniens nommaient antidosis, mot qui porte sa signification lui-même : contre don, échange mutuel.

Le Discours sur l’Antidosis n’est point celui qui fut prononcé dans le procès intenté par Mégaclide, où Isocrate avait pour défenseur son beau-fils Apharée. C’est une composition toute fictive, et dont l’affaire d’antidosis n’est que le prétexte et l’occasion. Isocrate aurait pu intituler ce discours, Apologie ; et le traducteur a eu parfaitement raison de nous prévenir par un premier titre tout français : le Discours d’Isocrate sur lui-même. Voici comment Isocrate, dans l’exorde, explique et les motifs qui l’ont déterminé à écrire, et le but qu’il s’est proposé :

« J’avais cru toute ma vie que ces travaux mêmes auxquels je me livrais, et la vie paisible que je menais d’ailleurs, me mettraient bien dans l’esprit de ceux qui ne sont pas du métier ; mais voilà qu’au moment où je touche à la fin de ma carrière, un échange de biens qu’on m’a proposé au sujet de l’armement d’un vaisseau, et le procès qui en a été la suite, m’ont fait voir que ceux-là même ne m’étaient pas tout aussi favorables que je l’espérais. J’ai vu que les uns avaient sur mes occupations des opinions tout à fait erronées, et qu’ils inclinaient à prêter l’oreille aux malveillants ; que d’autres, bien éclairés sur la nature de mes travaux, me jalousaient, partageant les mauvais sentiments des sophistes, et se réjouissaient des opinions mensongères qui s’étaient répandues sur mon compte. On a bien vu paraître ces dispositions ; car, sans que mon adversaire ait touché aucun argument qui se rattachât directement à la cause, et sans qu’il ait fait autre chose que de déclamer contre l’influence que peut exercer mon art, et d’exagérer mes richesses et le nombre de mes disciples, on m’a condamné à payer l’armement du vaisseau. J’ai supporté cette dépense comme il convient à quelqu’un qui n’est pas homme à se montrer trop étourdi d’un pareil coup, et qui n’a pas non plus l’habitude de prodiguer son bien avec une folle insouciance. Mais m’étant aperçu, comme j’ai dit, qu’un nombre de citoyens beaucoup plus considé-